Ruffus, fleuron des vins effervescents en Belgique, fête ses vingt ans ! Découvrez l'article que la Revue W+B lui a consacré à cette occasion.
Plus grand producteur de vins effervescents de Belgique, référence en matière de bulles belges, Ruffus, maintes fois récompensé à l’étranger, vient de célébrer ses vingt ans. Il y a un avenir pour le vin en Wallonie.
Premier domaine à avoir été planté en Wallonie pour produire exclusivement des vins effervescents, le vignoble des Agaises n’a cessé de se développer. Véritable fer de lance du renouveau viticole en Belgique, il s’est progressivement étendu pour atteindre aujourd’hui plus de 35 hectares et devenir le plus grand producteur du royaume. Installé à Haulchin, près de Binche, dans le Hainaut, au lieu-dit Les Agaises, ce vignoble compte aujourd’hui 350.000 pieds de vigne de chardonnay, de pinot noir et de pinot meunier plantés sur un coteau très riche en calcaire, exposé plein sud et sur lequel régnait un certain Seigneur Ruffus au XIIe siècle. Ces vins effervescents sont élaborés selon la méthode traditionnelle, c’est-à-dire avec une deuxième fermentation en bouteille et une mise en lattes de minimum douze mois. Une concentration en dioxyde de carbone gazeux suffisante confère au vin bulles et mousse à l’ouverture de la bouteille et une sensation de picotement en bouche. Finesse aromatique et forte minéralité tirées de la craie dont regorge ce terroir d’exception font partie des caractéristiques de ce vin festif.
Du rêve à la réalité
Si Ruffus a célébré avec faste ses vingt ans, en réalité, l’histoire commence modestement, au début des années 80. Après son passage à la Faculté de Montpellier, Raymond Leroy débarque dans le négoce de vins familial. Même s’il est décidé à développer l’importation de vins français, dans un coin de sa tête, une idée fixe le taraude. « Dans la famille, on est négociants en vins depuis plusieurs générations et mon père rêvait d’avoir son propre vignoble et de produire son vin, commence Arnaud Leroy, fils de Raymond, responsable des ventes et de la communication du domaine. Il voulait des vignes près de chez lui pour avoir ce contact quotidien avec elles ». Et il y a là, tout près, ce fameux coteau calcaire exposé plein sud qui lui fait de l’oeil. Son propriétaire, Joseph Delbeke, agriculteur de son état, n’a pas le même enthousiasme que Raymond pour se lancer dans la viticulture. Vingt ans plus tard, en 2001, ce dernier rencontre Etienne Delbeke, fils de Joseph qui épaule à présent son père dans l’exploitation familiale. L’époque n’est plus la même qu’au début des années 80. L’Europe connaît une crise agricole sans précédent et les agriculteurs sont poussés à la diversification. Cette fois, la famille Delbeke est partante pour se lancer dans l’aventure viticole. Certes, petitement au début, un demi-hectare sur des terres peu fertiles pour l’agriculture classique. Reste à trouver un vigneron. Ce sera Thierry Gobillard, ami et fournisseur de Raymond Leroy, vigneron en Champagne. A une condition toutefois, il lui faut deux hectares pour accepter d’apporter son savoir-faire champenois sur ces terres hennuyères. Deux autres amis, entrepreneurs ceux-là, Michel Wanty et Joël Hugé, amènent le génie civil. L’affaire est conclue. La société est constituée et les deux premiers hectares de chardonnay sont plantés en mai 2002. « Le sol est très calcaire comme dans la région de Reims, à 90 km à vol d’oiseau de la Champagne. Il n’y avait pas de raison qu’on n’ait pas une qualité équivalente ».
Des médailles pour des bulles
Au fil des années, le domaine s’agrandit, les premières bouteilles sont commercialisées en 2005. En 2011, le cap des 100.000 bouteilles commercialisées par an est franchi. Entre-temps, les fils de Raymond, Arnaud et John Leroy, ce dernier oenologue formé à Bordeaux et à Montpellier, ont rejoint l’aventure. « Par notre réseau de négociants en vins, on a su toucher très rapidement de chouettes restaurants, certains étoilés comme le “Comme chez soi”. Parallèlement, les gens de la région sont venus déguster le produit sur place. Cela a fait tache d’huile ». Ruffus s’est bien fait remarquer lors de nombreux concours. Epinglons quelques distinctions : quinze médailles d’or au concours du Meilleur Vin belge, deux médailles d’or au concours des Chardonnays du monde, deux médailles d’or au concours des Effervescents du monde, une grande médaille d’or au concours de Francfort (meilleur mousseux du concours). Last but not least, le vignoble des Agaises a reçu, en 2015, le titre de Chevalier du Mérite wallon « pour avoir fait honneur à la Wallonie et contribué à son rayonnement ». En 2021, 15.000 clients sont venus directement au domaine pour s’approvisionner et 70.000 visiteurs pour le découvrir. Ruffus compte 45.000 abonnés Facebook. En 2021, le chiffre d’affaires se montait à 3,3 millions d’euros avec un bilan largement bénéficiaire. « Mais le point qui nous tient le plus à coeur, ce sont toutes les rencontres et les liens que nous avons pu créer, entre nous, avec nos clients, nos partenaires et autres personnalités du vin ou de la gastronomie, nos collègues vignerons… », souligne Arnaud Leroy.
350.000 bouteilles par an
Aujourd’hui, le vignoble des Agaises est devenu le plus grand producteur de vins effervescents de Belgique. « Et tout le monde s’accorde pour le dire, Ruffus et le Domaine du Chenoy, fondé par Philippe Grafé dans le Namurois, avec ses cépages interspécifiques, ont été les pionniers, les déclencheurs de la renaissance du vignoble en Wallonie. Jusqu’alors, il y avait bien quelques vignerons amateurs aux réussites diverses, mais aucun domaine n’avait encore franchi le cap de la professionnalisation ». Le succès de Ruffus a été assez rapide, et sans doute le premier à toucher le grand public. « Et se dire qu’il est possible de produire de bons vins dans notre pays historiquement brassicole est aussi un bonheur ! ». Cette réussite qualitative et commerciale poussera de nombreux candidats vignerons, qui hésitaient encore, à franchir le pas. « Le vignoble wallon se serait certainement développé sans nous, mais nous avons clairement accéléré les choses. Partis de seulement deux hectares, nous avons réussi à croître jusqu’à devenir le plus grand producteur belge, ce qui n’a jamais été un but en soi, et à nous affirmer comme une valeur sûre de notre jeune patrimoine viticole ». En 2022, le domaine a atteint les 35 hectares. Le vignoble produit aujourd’hui autant de bouteilles qu’il compte de pieds de vigne, soit 350.000 bouteilles. Et cerise sur le bouchon, les consommateurs se tournent aujourd’hui davantage vers les produits locaux, et la qualité suit. « Ce sont des vins légers, on n’a pas l’ensoleillement de la France et de l’Italie. Il n’y avait personne quand on a commencé et maintenant on voit arriver de nouveaux vignobles. Selon moi, il y a un avenir pour le vin en Wallonie », se réjouit Arnaud Leroy.
Un futur prometteur
Le futur, Ruffus le voit dans ses bulles. Bientôt 40 hectares et 50 à long terme. En 2022, 1,5 million d’euros ont été investis dans le stockage afin d’augmenter le temps de vieillissement sur lattes, passer de quinze à dix-huit mois, de créer une cuvée « Réserve » et de mieux réguler le volume des ventes en cas de gel. Parmi les projets également, le développement de l’oenotourisme en semaine par petits groupes, l’organisation de team buildings et d’initiations à l’oenologie au vignoble et de découvertes touristiques des alentours (Binche, Mons, canal de Strépy, Bonne-Espérance à Estinnes…). Si 99 % des ventes de Ruffus sont réalisées en Belgique « où des parts de marché sont encore à prendre », selon le responsable des ventes, on retrouve ces bulles festives lors de manifestations d’exception à l’étranger, aux Ambassades belges à Paris, Tokyo, Kinshasa, Johannesburg, Le Caire… et lors de grands événements internationaux comme les Jeux Olympiques de Tokyo ou l’Exposition universelle de Dubaï. Ruffus, une histoire wallonne qui n’a pas fini de nous surprendre.
Par Jacqueline Remits
Cet article est issu de la Revue W+B n°158.